Suspension de deux juges au Conseil suprême de la magistrature au Maroc
Avant-propos
Issus de pays différents : Canada, Maroc et France, nous avons choisi de situer notre sujet dans un enjeu de communication politique au Maroc. Cette collaboration a permis de confronter nos idées et nos différents points de vue afin de bâtir une riche réflexion sur un sujet important pour l’avancement de la démocratie au Maroc.
Ce travail a été réalisé en équipe dans le cadre du cours : Communication publique - problèmes et enjeux . ses auteurs sont:
Rachid HADRE (Maroc); Jennifer Silly (France); Marc Anger (Canada)
Professeur: M. Alain Lavigne (Ph D)
Professeur: M. Alain Lavigne (Ph D)
1. Introduction
1.1 Contexte
Au Maroc, est instaurée une monarchie constitutionnelle dont le Roi, est à la fois commandeur des croyants et chef suprême de la nation. Depuis les années soixante, les appels à la réforme de la justice dans ce pays n’ont pu aboutir et ce, malgré les nombreuses tentatives. Actuellement, les appels à la réforme de la justice existent et tendent vers une véritable démocratie. La création du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a été calquée sur le modèle français, eu égard à la colonisation du Maroc par la France de 1912 à 1956.
« Calqué en grande partie sur le modèle français, le CSM a été créé par la Constitution de 1962. Mais ce n’est qu’en 1974 (avec le dahir du 11 novembre relatif au corps de la magistrature) que son rôle est défini avec plus d’exactitude. Grosso modo, il gère la carrière des magistrats, de l’embauche au départ en retraite, en passant par les promotions. Une sorte de direction des ressources humaines pour un corps de métier fort de quelque 3400 cadres, dont près de 20 % de femmes. Mais le rôle du CSM est également disciplinaire lorsque « tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité » est constaté, comme le stipule la loi de 1974. Signalons toutefois que les magistrats n’en sont pas moins soumis à la justice « courante » appliquée au commun des Marocains.
Présidé par le Roi et le ministre de la Justice (vice-président), le CSM se compose d’un secrétaire nommé par dahir et de neuf membres, dont trois sont nommés de droit : le premier président et le président de la première chambre de la Cour suprême, ainsi que le procureur du roi auprès de cette même juridiction. Les autres membres (deux magistrats de Cours d’appel et quatre juges de juridiction de premier degré) sont élus pour un mandat de quatre ans, renouvelable une seule fois. Ce Conseil se réunit en session tous les trois mois, voire plus quand le volume des affaires qui lui sont soumises l’impose » (TELQUEL Online, 2010).
1.2 Enjeu
Suite à la lecture et l’analyse du dossier de presse[1], nous avons défini l’enjeu comme étant l’autonomie de la justice au Maroc. Il s’agit bel et bien d’un enjeu de communication politique car il émerge d’un problème d’objet de communication publique. Cet enjeu a été lancé lors de la publication d’un article à la « Une » du quotidien arabophone ASSABAH le 29 juillet 2010 sous le titre « Nouvelle liste de mutation et de révocation de magistrats devant le Roi » (ASSABAH, 2010). Cet article constitue la pièce maîtresse de notre dossier de presse.
2. Territoire
Nous sommes en présence d’un enjeu qui s’exerce dans une démocratie de troisième type (Demers, F. & Lavigne A., 2007 : 12) dans laquelle, comme le rappellent Demers et Lavigne, les médias constituent le mécanisme principal par lequel les acteurs se parlent les uns aux autres (2007 : 13). Les médias inclus à notre dossier de presse ont permis la diffusion de différents points de vue qui contribuent à améliorer la compréhension du public.
Par ailleurs, nous constatons qu’il s’agit d’un enjeu d’intérêt national au Maroc car il concerne tout particulièrement la définition du rôle du CSM dans l’administration de la justice au Maroc. L’espace de délibération est donc le CSM d’où émane différentes visions qui s’affrontent, d’abord celle du ministre de la Justice , qui est à la fois membre de l’autorité exécutive et vice-président au sein du CSM, ensuite, celle de certains membres du CSM et enfin celle des organisations non gouvernementales (ONG) et associations.
3. Principaux acteurs
Acteurs politiques
Le Roi : Autorité suprême du Maroc et président du CSM « Cet organe (CSM) est l’autorité supérieure pour tout le corps des magistrats, toujours selon la Constitution. Le Roi qui préside le CSM, est seul au dessus de cet organe, puisque dans la Constitution marocaine, le Roi est l’autorité suprême garantissant le fonctionnement normal des institutions. » (L’Économiste, 2010).
Le ministre de la Justice : membre de l’autorité exécutive et vice-président du CSM marocain qui a ordonné la suspension des deux membres du CSM avant la tenue d’une enquête (Aujourd’hui Le Maroc, 2010).
Les deux membres du CSM (M. Jaâfar HASSOUN et M. Mohamed AMRHAR) : suspendus avant la tenue d’une enquête judicieuse pour motif de divulgation à un média, des renseignements confidentiels des travaux des dernières assemblées du CSM[2].
Acteurs médias types: le débat public a été lancé suite à la publication d’articles dans deux médias (ASSABAH, 2010 et Aujourd’hui Le Maroc, 2010). Les autres médias ont pris le relais et ont permis aux acteurs d’exprimer leurs points de vue sur cet enjeu par la communication publique.
Acteurs « mouvements et groupes »
Les ONG et associations : entrent dans le débat public pour dénoncer la décision qui a été prise par le ministre. « Ces ONG considèrent qu’il s’agit d’une « atteinte aux principes de la séparation des pouvoirs » (L’Économiste, 2010).
4. Formes discursives
Les membres du CSM sont actuellement engagés dans un rapport de force qui caractérise le moment de délibération (Lamizet, 2004 : 43) avant la décision finale sur l’avenir du rôle des institutions constitutionnelles dans le système de justice.
Cet enjeu s’inscrit dans une communication de type politique (Lavigne, 2008 : 235) puisqu’il concerne l’émergence d’un problème collectif suite à la révélation par un média de renseignements confidentiels adressés aux autorités publiques. Nous sommes en présence d’un conflit idéologique (statu quo et réforme de la justice) suite à la divulgation de projets de solution par des acteurs (réforme de la justice, enquête, suspension de deux membres/juges).
Cependant, les acteurs tentent d’influencer certains médias afin d’établir un courant de sympathie avec le public marocain. Une source anonyme transmet à un média des renseignements confidentiels de certains travaux du CSM. Le ministre de la Justice utilise le communiqué de presse[3] pour faire connaître dans au moins un média sa décision de suspendre deux membres/juges et de tenir une enquête pour identifier les personnes impliquées dans la divulgation de renseignements confidentiels concernant le CSM.
Certaines ONG réussissent à faire connaître leur point de vue de cet enjeu dans un média[4]. Dans ce cas, nous pouvons facilement présumer que plusieurs acteurs utilisent des moyens qui s’inscrivent dans la forme de communication des relations publiques (Lavigne, 2008 : 237), notamment par l’utilisation de relations de presse proactives.
5. Arènes
L‘arène médiatique a été choisie par les acteurs pour débattre de cet enjeu. Nous sommes témoins d’une affaire de tractations, d’ajustements, d’adaptation entre les acteurs (journalistes, porte-parole, relationnistes) dont les intérêts sont en partie opposés (Charron, 1998 : 326). Les messages des acteurs sont véhiculés dans le dossier de presse par Tel Quel, l’Économiste et le quotidien arabophone ASSABAH.
L’arène politique est l’autre lieu où se fait un autre débat important : celui des membres du CSM. Le dénouement de ce débat mènera à la décision finale qui devrait mettre fin à cet enjeu.
[1] Notre dossier de presse comprend les quatre articles dont les références sont les suivantes : ASSABAH, 2010; Aujourd’hui Le Maroc, 2010; L’Économiste, 2010 et TELQUEL OnLine, 2010
[2] Voir l’article de l’Économiste inclus à notre dossier de presse (L’Économiste, 2010).
[3] Le communiqué de presse a été diffusé intégralement dans l’article du quotidien Aujourd’hui Le Maroc (Aujourd’hui Le Maroc, 2010).
[4] Lire l’article de l’Économiste (L’Économiste, 2010).
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